Aujourd'hui le thème de la chronique ne sera pas : Mandela se trouve entre la vie et la mort. Qu'y a-t-il de plus idiot et de plus bête et de plus ridicule que cette phrase prononcée depuis déjà quelques semaines sur toutes les radios et dans tous les postes de télévision ?
Bien entendu personne ne va se réjouir de la mort de cet homme brave mais pouvez-vous me citer une seule personne au monde qui ne soit pas entre la vie et la mort ? Depuis l'origine de l'humanité, depuis l'origine du monde, depuis le premier homme et la première femme, toutes les femmes et tous les hommes, tous les hétérosexuels, les lesbiennes, les gays, les bi, les trans et même les Bretons, se trouvent entre la vie et la mort.
Et même vous, chère lectrice et même vous cher lecteurs aux cerveaux si bien "comprenants", je vous l'assure et le déclame haut et fort : vous êtes entre la vie et la mort.
Plutôt que de nous exaspérer avec leur formule toute faite « entre la vie et la mort », il aurait été plus judicieux de nous préparer à l'inévitable fin de M. Mandela en nous indiquant que ce dernier serait plutôt au « seuil de la mort ». Au seuil de la mort, cette formulation me semble plus juste et aussi plus utile car elle fait référence à l'âge de l'homme en question qui a vu le jour ou la nuit le 18 juillet 1918.
Pourquoi sommes-nous quotidiennement au chevet de Mandela ?
La question essentielle demeure néanmoins : pourquoi les autorités médiatiques qui nous gouvernent font-elles leurs choux gras de la situation de M. Mandela qui se trouve, comme toi chère auditrice et toi cher auditeur, entre la vie et la mort. La réponse est assez simple : dans l'intervalle très court qui courre entre la naissance et le trépas, cet homme ne s'est pas contenté de regarder les matches de football à la télévision, ne s'est pas contenté de boire des bières par pack de 12 juste avant d'honorer le corps de Mme Mandela puis de s'endormir doucement dans un hôtel Formule 1 situé sur la route de leurs vacances dans le sud de l'Afrique du Sud.
Nelson Mandela ne s'est pas contenté d'avoir une existence. Nelson Mandela a eu une vie. Il a gueulé. Il a combattu. Il s'est défendu. Il a lutté contre des lois iniques, vicieuses et atroces qui le contraignaient, lui, sa famille et les gens de sa couleur de peau, à être des sous-hommes sur cette terre que nous avons tous en commun.
Cher lectrice et chère lecteur, nous sommes vous et moi entre la vie et la mort. Que faire alors non pas pour laisser une trace sur cette terre comme ces grands cons mégalomanes qui tiennent à avoir leur grande bibliothèque à leur nom, leur musée à leur nom, un square à leur nom, leurs statues sur des places ou leur patronyme dans le dictionnaire ? Que faire tout simplement ? C'est la grande question qui se pose à tous lorsqu'il n'y a pas de guerre, lorsqu'il n'y a pas d'apartheid, lorsque les lois de la société banale et mortifère, prennent en charge l'individu commun entre le berceau et le cercueil. Il n'y a pas plus difficile que d'exister dans une société qui ne donne pas la vie.
Pas de vie, pas de rêves
Certes la société nous donne du gaz, de l'électricité, des aides pour le loyer, des allocations pour la bouffe, des petits salaires pour survivre, des petites vacances pour avoir chaud au soleil. Notre société ne nous donne pas de vie, ne nous donne pas de rêves. Alors, dans ces circonstances, les hommes faibles choisissent la facilité déconcertante de l'existence médiocre, du nihilisme bourgeois : les petits pets dans la gueule, la petite cuite dans le ventre, la petite association pour la bonne conscience et un bouc-émissaire pour pouvoir faire la gueule à quelqu'un.
Il faut toujours avoir quelqu'un à critiquer, à jalouser, à envier, ça aide à surmonter ses propres petitesses. Alors, régulièrement, tous les jours, on nous abreuve sur les écrans des ordinateurs de personnes à moquer, de destins à envier, de politiques à condamner. Et pendant ce temps là, entre la fumée d'une clope qui fait rire et la rasade de bière au comptoir qui pue, la vie passe, s'écoule, disparaît dans les volutes et dans les rots.
Et puis, parmi ces ténèbres marrons qui empestent le CAC 40, les drapeaux bretons et européens, la croissance, la consommation, la pseudo-crise, les idiots de l'UMP, les amis de Sarkozizi, les gueules de Raffarin, les empaffés d'intégristes politiques et religieux, et puis parmi toute cette puanteur, il y a ce qui nous sauve. Le sourire de Mandela. C'est ce qui m'a toujours surpris sur le corps de cet homme de plus de 90 ans. Son sourire. Discret. Simple. Humble. Bon. Il a un sourire qui envahit tout son visage, tout son corps. Un sourire simple, placide et serein. Un sourire d'enfant.
Un sourire
Parfois lorsque je relève la tête, il m'arrive d'apercevoir une femme qui sourit. Pour moi, c'est le plus beau paysage du monde. Je pourrai me nourrir toute une vie je crois, du souvenir de ces sourires. Des lèvres. Des yeux en amande. Des rides comme de la dentelle précieuse autour des yeux. Des pommettes recouvertes des embruns du temps.
Parfois lorsque je relève la tête, il m'arrive d'apercevoir une femme qui sourit. Pour moi, c'est le plus beau paysage du monde. Je pourrai me nourrir toute une vie je crois, du souvenir de ces sourires. Des lèvres. Des yeux en amande. Des rides comme de la dentelle précieuse autour des yeux. Des pommettes recouvertes des embruns du temps.
Aujourd'hui, dans ce pays, il n'y a pas de guerres, il n'y a pas d'occupation étrangère, il n'y a pas d'apartheid. La seule raison qui me ferait me battre serait de voir disparaître le sourire sur des visages familiers. Je combattrai alors, avec les moyens appropriés, ce qui rend les visages ternes, les sourires ironiques, et les yeux humides.
Il n'y a qu'un seul Mandela. Un seul Gandhi. Un seul Luther King. Un seul Jean Moulin. Ils sont des hommes tout à fait banals qui sont devenus exceptionnels grâce des circonstances extraordinaires. Les temps d'aujourd'hui, ici dans ce pays, sont exceptionnellement ordinaires. Notre combat ordinaire n'est-il pas alors de donner le sourire. Donner le sourire à deux premières personnes. Ces deux personnes ne sont pas loin de nous.
Un choix audacieux
D'abord il y a soi. Sans se regarder dans un miroir, nous ressentons très bien intérieurement ce moment où nous sourions. Nous sommes seuls, en accord avec nous-mêmes. Nous sommes bien. Nous sommes en paix. Et puis il y a l'autre, en face de nous. Que nous croisons. Dans la rue. Sur la plage. Dans un couloir. Avec pour seul vêtement celui de la simplicité. Le sourire fait des miracles. Il ne coûte pas cher mais il n'y a rien de plus précieux. Le sourire est bien plus violent qu'un coup de boule, le sourire est bien plus violent qu'une dose d'héroïne qu'on "s'éjacule" dans les veines. Et le sourire donne de la vie, et le sourire donne du goût ! Pour longtemps.
Le chercher, le sourire, c'est le combat d'une vie. On peut pourtant le trouver n'importe où. Chez n'importe qui. Dans toutes les circonstances. Dans une prison à Brest, dans un bal populaire à Ploaré, dans une chambre d'hôpital à Quimper, à Radio France dans La Marche de l'Histoire avec Jean Lebrun. Dans un grenier qui devient, comme durant la seconde guerre mondiale, un studio de radio improvisé.
C'est l'été qui commence. C'est la saison des fraises, des sardines, du thon blanc et des cerises rouges. Pourquoi cet été ne serait-il pas la saison des sourires. Malgré les douleurs des corps, malgré les maladies des proches, malgré les connards qui ne pensent qu'à leurs gueules, malgré la banalité d'une existence sans grands combats.
Faisons-nous du bien. Faisons-nous plaisir. Mangeons. Buvons. Discutons. Caressons. Couchons avec des femmes et des hommes. Marchons. Invitons. Mangeons du thon. Rions. Ensemble. De tout et de rien. De tout et de tout. De rien et de rien. Soyons futiles. Rions de soi. Ayons un peu d'humour. Soyons "humoureux".
J'adore parler de rien. C'est tout. C'est rien. C'est de mon niveau. Entre la mort et la vie.
Je vous souhaite de passer une belle journée et de bien porter votre nom.
Camille Rosmeur.
Mes chers lecteurs, je vous souhaite la bienvenue dans cette courte anachronique d'une grappe de minutes qui n'a aucune prétention sinon celle de me permettre chaque semaine de prononcer quelques impertinences personnelles dont j'assume bien entendu l'entière responsabilité.
* Les intertitres sont de la rédaction. Cette chronique est la transcription et l'adaptation écrite de celle diffusée sur la webradio penn sardine "Vos gueules les mouettes", le vendredi 28 juin 2013.
Emotion et sourire de bon matin... Je partage avec plaisir cette énergie de vie.....jusqu'à la mort.... Belle journée à tous!
RépondreSupprimerMourir en rougissant
RépondreSupprimerSuivant la guerre qu´il fait
Du fait des Allemands
A cause des Anglais
Mourir baiseur intègre
Entre les seins d´une grosse
Contre les os d´une maigre
Dans un cul de basse-fosse
Mourir de frissonner
Mourir de se dissoudre
De se racrapoter
Mourir de se découdre
Ou terminer sa course
La nuit de ses cent ans
Vieillard tonitruant
Soulevé pas quelques femmes
Cloué à la Grande Ourse
Cracher sa dernière dent
En chantant "Amsterdam"
Mourir, cela n´est rien
Mourir, la belle affaire!
Mais vieillir… Oh! vieillir
Mourir, mourir de rire
C´est possiblement vrai
D´ailleurs la preuve en est
Qu´ils n´osent plus trop rire
Mourir de faire le pitre
Pour dérider l´ désert
Mourir face au cancer
Par arrêt de l´arbitre
Mourir sous le manteau
Tellement anonyme
Tellement incognito
Que meurt un synonyme
Ou terminer sa course
La nuit de ses cent ans
Vieillard tonitruant
Soulevé par quelques femmes
Cloué à la Grande Ourse
Cracher sa dernière dent
En chantant "Amsterdam"
Mourir, cela n´est rien
Mourir, la belle affaire!
Mais vieillir… Oh! vieillir
Mourir couvert d´honneur
Et ruisselant d´argent
Asphyxié sous les fleurs
Mourir en monument
Mourir au bout d´une blonde
Là où rien ne se passe
Où le temps nous dépasse
Où le lit tombe en tombe
Mourir insignifiant
Au fond d´une tisane
Entre un médicament
Et un fruit qui se fane
Ou terminer sa course
La nuit de ses mille ans
Vieillard tonitruant
Soulevé par quelques femmes
Cloué à la Grande Ourse
Cracher sa dernière dent
En chantant "Amsterdam"
Mourir, cela n´est rien
Mourir, la belle affaire!
Mais vieillir… Oh! vieillir
Merci à toi Jacques Brel et très bonne chronique d'Alain
Lorsqu'on vient au monde on est condamné à mort , la mort fait partie de la vie , à partir de là il faut profiter de tout pendant le temps que l'on passe sur terre.
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