Presse. L'histoire de Bob, ou du "buzz"

Malgré l'esprit "confraternel" qu'ils annoncent à la moindre occasion et quand c'est nécessaire, il existe une rivalité certaine entre les deux quotidiens régionaux qui se partagent le marché. L'affaire Sinclar à Douarnenez en est une étonnante illustration.

Lundi, ma consœur Marie-Line Quéau publiait donc dans le Télégramme, un article sur le livre Rok#2, à l'occasion de la présence du coordinateur et éditeur de ce deuxième tome, Franck Darcel, samedi en dédicace à l'espace culturel. En ligne de mire, Douarnenez terre génératrice de talents en matière de musique rock et autres. 

Le papier laisse la place à de nombreux noms de groupes qui ont ou marquent actuellement la scène musicale. Et le panorama est large ! Mais, l'article débute sur… Bob Sinclar. Vedette internationale de la scène dance-électro, la journaliste lui attribue une naissance en cité penn sardin, foi de Rok#2. Diantre ! Et il est vrai que plusieurs d'entre-nous ont pu constater pendant longtemps son lieu de naissance situé en ville d'Ys. Que ce soit sur Wikipédia ou ailleurs.

Et alors ? Il est d'ici ou pas ?
Ce n'était pas un scoop. C'était une entame d'article. Reste que, choisissant de rebondir sur l'article du Télégramme sans le dire, Ouest France en publiait un mardi qui tient plus d'une attaque frontale que d'autre chose. Et tel qu'est tourné l'article, ça ressemblait plus à une "correction", qu'à un simple ajustement. En une de l'édition Quimper de Ouest France ce même jour : "Bob Sinclar, Douarneniste ? C'est un gros canular !"

Pourquoi cette envolée ? Dans son article, Gaël Hautemulle justifie. Il évite soigneusement de s'étonner de l'article du Télégramme et s'en prend à l'auteure de la double page qui est consacrée au Dj dans Rok#2, sans revenir sur le livre lui-même. Et il n'y va pas de main morte ! On lit ainsi en page Douarnenez : 

Pourtant, le tome II de l’anthologie Rok […] consacre une double page à Bob Sinclar, alias supposé dudit Christophe Le Friant, en vertu de ses racines penn-sardin. Oui, oui, Bob Sinclar, celui-là même qui vit aujourd’hui à Los Angeles, « qui a accédé en tant que DJ-producteur au statut de star mondiale des dancefloors ».

Diantre !!! Non seulement, ce serait donc faux, mais en plus, emporté par son agacement et/ou sa volonté de rétablir la vérité, Gaël Hautemulle est sensiblement plus qu'agacé par Bob Sinclar lui-même. Alors, et tant qu'à lancer un char d'assaut, il ne faut pas faire les choses à moitié. Puisque Bob Sinclar n'est pas Douarneniste, il faut alors douter qu'il s'appelle réellement Christophe Le Friant : "alias supposé dudit Christophe Le Friant"(sic). Là, c'est de tout qu'il faut douter, même de sa réelle identité patronymique.

Rien à l'État civil

Mais, si ce n'est pas vrai, le journaliste de Ouest France a forcément cherché auprès de sources irréprochables à étayer son propos ? Oui, visiblement et il enfonce le clou dès l'entame de l'article, à l'instar du Télégramme sur l'origine douarneniste de l'artiste : 

"Au service état civil de la mairie de Douarnanez (Finistère), on a vérifié au moins deux fois, à la demande du journal Ouest-France : quatre Christophe sont bien nés en 1969 à Douarnenez, mais aucun Christophe Le Friant (le vrai nom de Bob Sinclar), encore moins le 10 mai 1969, jour de sa naissance."

Patatras.

Patatras, c'est un fait. Bon, sur la forme, parce qu'il faut sourcer, il est dommage pour un journaliste de devoir vérifier "à la demande de". Autant que ce soit un réflexe naturel. Ensuite, une question qui reste en suspens est de savoir pourquoi  préciser "on a vérifié au moins deux fois". Pourquoi pas trois voire quatre, si tant est que cela participe à la vérité ? Mais "au moins deux", ça fait combien, au final ? Enfin, pourquoi affirmer ici que Christophe Le Friant est son vrai nom et le mettre en doute par la suite, comme évoqué ci-dessus ?

Passons rapidement sur le chapitre Wikipédia, à propos duquel deux versions discordantes nous sont comptées. En langage internet, c'est un "fake", comprenez une fausse information, qui a été déposée. C'est le 6 novembre 2006 à 21h22 qu'apparaît Douarnenez comme ville de naissance. Il faudra attendre le 27 décembre pour que le lieu de naissance soit mis en doute. S'en suivra un jeu de ping-pong entre Dz et Paris pendant quelques temps. Ce sera au final "né en France". Pour ceux qui ne le savent pas encore, c'est précisément à Bois-Colombes.

Mardi, Bob Sinclar répondait sur Twitter.

Le lendemain, Ouest France remet le couvert et explique (hum, hum…) "le" pourquoi de son article. Et pour cause, Franck Darcel et tous ceux qui ont participé collectivement à la rédaction de l'ouvrage, l'ont en travers de la gorge. Pas mal d'entre-eux travaillent par ailleurs à… Ouest France. Venir mettre au clou une telle somme d'informations d'un trait de plume, ça ne passe pas. C'est pour cela qu'à la suite du premier article mardi, la rédaction douarneniste voulait faire machine arrière. 

Ouest France nous affirme donc, une nouvelle fois que Bob Sinclar n'est pas douarneniste. Le journal dit aussi que Wikipédia, ce n'est pas une bonne source d'info, car il suffit d'être "facétieux" pour que ça déraille. Enfin, Gaël Hautemulle et Ludovic Le Signor en attestent : 

L’article ne remet pas en cause la pertinence de l’ouvrage « Rok#2 », qui relate l’histoire des musiques actuelles en Bretagne de 1990 à 2013. Ouvrage piloté par Franck Darcel.

 Reste à savoir si Franck Darcel a accepté ces excuses…

Sinon, de quoi parlait-on ? D'un article certainement écrit de manière épidermique à la lecture du journal concurrent sorti lundi, d'un léger dérapage qui n'a pas changé grand-chose à la vie penn sardin, mais qui a mis certains circuits en surchauffe, ou encore d'une bio facétieuse sous Wikipédia. 

Au final, penn sardin, il l'est un peu, Bob Sinclar, comme le montrait le Télégramme mercredi. Ca n'a pas changé nos vies, mais ça les a bien occupées. Un peu comme Libération & Mediapart, me direz-vous ? Oui, sauf que Libération citait Mediapart. Dans Ouest-France, l'histoire sortait … de nulle part. Mais, si ça a fait le "buzz" ! (Sur Les Inrocks en ligne - Sur Le Mensuel de Rennes)

Thomas Rocher.

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